Relativement méconnu, le secteur de la traduction opère pourtant sa mue, grâce à la mondialisation et aux nouvelles technologies. William Mamane, Chief Marketing Officer du LSP (language service provider) et agence de traduction Tomedes, nous éclaire sur l’évolution du marché de la traduction en France.
Comment évolue le marché de la traduction en France ?
Le marché français de la traduction présente un léger retard par rapport à l’international.
Le marché mondial des services linguistiques connaît un essor important depuis quelques années : de 46,5 milliards en 2018, il devrait atteindre 56,5 milliards fin 2021, selon une étude menée par Common Sens Advisory Research (CSA Research). La croissance des services linguistiques en France pendant cette même période est plus lente. Ce qui peut paraître paradoxal, car à elle seule, l’Europe représente 53% des parts de marché des services linguistiques au niveau mondial, toujours selon CSA Research. Or la France, deuxième pays le plus peuplé d’Europe, ne semble pas en tirer pleinement profit.
Cependant, on observe indéniablement une évolution du secteur de la traduction en France.
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Comment cette évolution se manifeste-t-elle ?
Le marché de la traduction en France est dominé par une dizaine de grands groupes
(ceux dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 millions d’euros et qui emploient environ 50 salariés). D’autres agences de traduction réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros HT. Mais les plus nombreuses sont celles réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros. Enfin, n’oublions pas les nombreux traducteurs ou interprètes freelance, dont l’activité a d’ailleurs été durement impactée par la pandémie de Covid-19 en France et en Europe, comme le soulignait un récent rapport de la Commission européenne. Il est toutefois important de préciser que ces chiffres sont très différents dans les marchés américain et britannique où les dix plus grands groupes réalisent des chiffres d’affaires dépassant les 100 millions d’euros. Vous pouvez apprécier les différences.
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Quelles langues sont les plus parlées dans le monde des affaires ?
D’abord, l’anglais. Ensuite, certaines langues, comme le mandarin, le russe, mais aussi le français, car on dénombre actuellement 300 millions de locuteurs francophones dans le monde. En Europe, l’allemand est la langue la plus parlée, car l’Allemagne est la première puissance économique européenne. Elle a aussi su développer des accords commerciaux solides avec des partenaires de longue date (notamment les Etats-Unis) ou des pays en pleine croissance économique, tels que la Chine ou l’Inde.
Plusieurs études confirment que le mandarin devrait être encore plus prépondérant dans le futur, en raison du poids démographique et économique croissant de la Chine. D’autres langues, comme l’espagnol, occuperont une place significative dans le milieu des affaires, notamment parce qu’il s’agit de la deuxième langue la plus parlée aux Etats-Unis. Et que le nombre de locuteurs espagnols dans ce pays devrait atteindre 133 millions en 2050.
Vous parliez précédemment de services linguistiques et non pas d’agences de traduction stricto sensu ? Pour quelle raison ?
Parce que les agences de traduction modernes proposent des services linguistiques qui ne se limitent plus à la simple traduction.
Généralement, il existe 3 types d’agences de traduction, en fonction de leurs spécialisations. Celles qui se limitent aux services linguistiques (traduction, localisation), celles qui proposent des prestations liées à l’offre technologique (comme de la transcription ou des logiciels de TA et TAO). Enfin, il existe une troisième catégorie : les agences proposant du du conseil et de la formation dans le domaine de la traduction, la localisation et les opportunités professionnelles dans le marché de la traduction en général. Slator, Nimdzi et CSA en sont, pour ne citer qu’eux.
Toutefois, certaines agences sont pleinement compétentes dans ces 3 domaines. Tomedes par exemple, ma compagnie, est une agence de traduction professionnelle traditionnelle, basée dans plusieurs villes en France, et se spécialisant dans la traduction et la localisation. Cependant, nous utilisons les techniques de machine translation les plus développées qui existent aujourd’hui dans notre industrie. Cette double compétence nous permet de gérer des projets plus complexes de big data et qui nécessiteraient le travail de plusieurs traducteurs humains, ce qui allongerait les temps de livraison, et par conséquent n’est pas adapté aux besoins de la clientèle d’aujourd’hui.
Vous évoquiez les logiciels de TA et de TAO. Que reste-t-il au traducteur humain ?
Nous utilisons des logiciels de TA (traduction automatique) ou de TAO (traduction assistée par ordinateur) – machine translation – car ils apportent d’indéniables avantages, principalement un gain de temps considérable. Pour autant, minimiser le rôle du traducteur humain (ou biotraducteur) serait une erreur : la majorité des potentiels clients d’une entreprise étrangère achèteront ses produits ou services seulement si les informations qu’ils recherchent sont traduites dans leur langue maternelle. Or un logiciel de TA ou TAO ne peut pas atteindre la précision et le sens de la nuance d’un traducteur natif du pays où une entreprise étrangère désire s’implanter.
En outre, beaucoup d’entreprises cherchent des profils très spécialisés dans un domaine particulier. Par exemple pour réaliser des traductions juridiques, financières, médicales… Un degré de technicité que les logiciels de traduction ne peuvent pas égaler.
Si l’IA (l’intelligence artificielle) progresse, elle n’a donc pas encore remplacé le biotraducteur !